Après trois ans de négociations mises en œuvre par l’État, les partenaires sociaux du secteur agricole ont ratifié la convention collective qui régit les exploitations et les CUMA. Elle entre en vigueur au 1er avril. Ce qui signifie revoir les intitulés des bulletins de salaire de tous les salariés. Sur les prix-faits, les discussions débutent pour un futur accord local.
« Il faut garder en tête que les organisations syndicales n’étaient pas demandeuses d’une convention collective. Elle a été mise en route à la demande du gouvernement ! » Qu’il s’agisse des représentants patronaux ou salariaux, le discours est le même sur cette nouvelle convention collective. Il aura fallu trois ans de discussions pour parvenir, en septembre 2020, à une signature commune. La parution a eu lieu au Journal Officiel en janvier, pour une mise en applica- tion au 1er avril 2021.
(pour en savoir plus : www.convention-agricole.fr)
Qu’est-ce que cela change ?
Finies les catégorisations des postes de travail par fonction et l’habituelle classifica- tion de lettres (A à F). La convention collective s’attache à cinq critères de notation des postes : technicité, autonomie, responsabilité, management et relationnel.
Dans chaque critère, sont définies des missions attendues par l’employeur ou exercées par le salarié. Elles sont exprimées en points. Le total obtenu classifie le salarié, sur 12 niveaux, lesquels apparaissent sur le bulletin de salaire. Attention, ces points ne sont pas répercutés en salaire (même s’il y a une cohérence), mais ils donnent une idée de la compétence et de la polyvalence du salarié.
Lors d’une réunion publique à Bourg, Christelle Capdeboscq, juriste à la FNSEA33, expliquait à l’auditoire : « À partir de là, en prenant compte le parcours de formation et de qualification du salarié, on peut jouer sur les taux horaires pour ajuster. Mais on ne peut pas abaisser la rémunéra- tion d’un salarié ! Pour ceux qui ont des fiches de poste, il sera facile de voir les correspondances. Pour les autres, il faut idéalement les créer. Il en existe des préétablies sur le site de l’ANEFA. »
Si, lors de cette remise à plat des fonctions, un salarié passe d’ouvrier à agent de maîtrise ou technicien ou cadre, il s’agit là d’une évolution de statut qui passe par un avenant au contrat de travail.
Corinne Lantheaume, représentante de la CFDT agriculture en Gironde, regarde cette convention collective avec pragmatisme : « Tant à la CFDT et à la FNSEA33, nous observions que la polyvalence des salariés n’était pas soutenue et inscrite jusqu’à présent. Cependant, les points ne sont pas des métiers, ce qui peut rendre moins lisibles les métiers de chacun. Si l’on observe cette convention avec optimisme, on se dit que c’est un moment de dialogue pour clarifier les attentes des employeurs et des salariés sur les missions. » La déléguée syndicale y voit une opportunité à « un mouvement de dialogue. Si l’on sait bien s’en saisir, ce sera aussi un moyen de participer collectivement à l’attractivité de nos métiers. »
Qu’il s’agisse du patronat ou des salariés, et c’est aussi ce que mentionne le préambule de la convention collective, tout le monde a à l’esprit qu’elle s’applique à des TPE (très pe- tites entreprises < 20 salariés). Pour ceux uti- lisant le TESA +, «il devrait évoluer et s’adapter aux futures règles qui entrent en vigueur. »
Sur les prix-faits (particularisme local)
L’État, dans le préambule, laisse les parte- naires sociaux trouver une solution territo- riale. Une nouvelle grille sera discutée en Gi- ronde à partir du mois de février, pour qu’elle soit en phase avec les nouveaux barèmes à venir. À compter du 1 avril, les exploitations rentrent donc dans une phase transitoire, à quelques semaines des travaux d’épamprage.
Pendant cette phase transitoire, les inter- prétations divergent. La juriste de la FNSEA estime que « l’on ne peut plus rémunérer au prix-fait et qu’il faut engager un accord d’entreprise sur la rémunération à la tâche ». Du côté de la CFDT, on estime que dans l’attente d’une nouvelle grille, il est plus sûr de continuer à s’appuyer sur la grille existante « en faisant valoir les respects de temps et de jours de travail. »
Sur cette phase transitoire, le dialogue est donc nécessaire pour caler les règles. Jean-Samuel Eynard, président de la FN- SEA33 soulignait l’importance d’un accord local : « Le système est efficace tant qu’il n’y a pas de conflit. »
Syndicats patronaux et salariaux ouvrent les négociations. Ils espèrent qu’à l’issue de l’accord, l’administration (dans le cas présent la préfecture et la DIRECCTE) soit réactive pour entériner la nouvelle grille, laquelle permet dans les exploitations, aux employeurs et aux salariés, d’avoir un point de repère commun qui participe à la sérénité de tous.