Bilan de campagne 2019-2020 : une reprise perturbée par la crise sanitaire

La campagne 2019-2020 marquera les esprits à plus d’un titre. Contre toute attente, elle a commencé par une première période, d’août 2019 à février 2020, annonçant les prémices d’une reprise : une récolte dans la moyenne décennale, un millésime d’une grande qualité, une stabilisation du marché sur plusieurs mois. Tous les indicateurs montraient des signaux positifs, dans un contexte géopolitique pourtant perturbé (taxes sur les exportations américaines, incertitudes autour du Brexit, crise politique et sociale à Hong Kong, baisse des importations en Chine), et sur fond de d’érosion de la consommation des vins rouges, à l’échelle nationale notamment.

Union Girondine

C’était sans compter sur la crise sanitaire du Covid-19, qui dès le mois de février 2020 a imposé un coup d’arrêt brutal à l’activité. Les mesures de restrictions et de confinement au sein des principaux pays clients a fortement affecté la dynamique commerciale des vins de Bordeaux. Par ailleurs, en France, dans un contexte de fermeture des cafés et restaurants, une partie de la consommation de vin s’est reportée vers la grande distribution et notamment sur des produits moins valorisés, au détriment des vins d’appellation. A l’export, c’est la zone chinoise, touchée en premier par l’épidémie de Covid-19, qui est en grande partie responsable de la baisse des ventes (tant en volume qu’en valeur), dans un contexte mondial où les marchés matures n’ont plus joué leur rôle moteur.

Enfin, la fin de campagne (juin-août 2020) a marqué une reprise sensible, stimulée par la sortie du confinement, la réouverture du secteur CHR et une timide stabilité retrouvée à l’export.

La production : la récolte 2019 : 

La petite récolte 2017 (3,5 millions d’hectolitres) avait durablement entaché l’équilibre du marché des vins de Bordeaux.  Avec 4,9 millions d’hectolitres, celle de 2019 est légèrement en-dessous de la moyenne décennale (5,1 millions). Une récolte limitée en volume, mais avec un millésime équilibré, très qualitatif. 

La mise en marché : 

Les sorties de la propriété sont un indicateur de la dynamique commerciale des vins de Bordeaux.  L’évolution de la courbe de ces sorties montre que l’on atteint aujourd’hui le niveau le plus faible des dix dernières années.  Sur la campagne 2019-20, elles sont en baisse de 5% par rapport à la période précédente. Au vu du contexte de crise (économique et sanitaire) de l’année, on pouvait s’attendre à une chute plus importante : signe qu’une reprise était bien imminente. Avec 3,8 millions d’hectolitres, cette capacité de commercialisation reste néanmoins inférieure à la production bordelaise (4,9 millions d’hectolitres), maintenant un déséquilibre du marché entre l’offre et la demande.

Les sorties mensuelles de la propriété montrent clairement trois phases distinctes dans cette campagne : une première période de quasi stabilisation, une seconde de pertes brutales correspondant à la période de confinement (-229 000 hectolitres en 3 mois), puis une reprise nette au déconfinement (juin-juillet). 

Le PRIX des contrats d’achat vrac est en baisse. Ce recul concerne la plupart des appellations, plus particulièrement l’AOC Bordeaux rouge (prix moyen : 1032€/tonneau).
A noter que le vrac ne représente que 40% des sorties de propriété des vins de Bordeaux.

La commercialisation : l’export

La commercialisation à l’export, qui représente 43% des volumes de Bordeaux, est marquée par une baisse tant en volume qu’en valeur. C’est la zone chinoise qui est responsable pour 2/3 de la baisse des volumes. Première zone touchée par la crise sanitaire, le marché chinois était déjà une destination en perte de vitesse : les importations globales de vins tranquilles y avaient fortement diminué depuis deux ans ; en outre, Bordeaux y subissait de plein fouet la concurrence des vins chiliens et surtout australiens, avantagés par des accords douaniers. Quant aux ventes vers Hong Kong, elles ont été pénalisées par la grave crise sociale et politique qui a frappé la région à l’été 2019.

Le marché américain, alors qu’il était en croissance, a été de son côté ralenti par la décision de l’administration Trump, en vigueur depuis la mi-octobre 2019, de surtaxer de 25% à l’exportation des vins tranquilles français de moins de 14°, dans un conflit entre Europe et Etats-Unis autour du secteur aéronautique. 

Le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et la Belgique, frappés eux aussi par la crise sanitaire, sont également en repli.

La commercialisation : le marché français

En France (57% des volumes de Bordeaux) l’année aura été marquée par l’arrêt de l’activité du secteur CHR (cafés, hôtels et restauration) pendant le confinement (mars-avril 2020). Pendant cette période inédite, les Français ont reporté une partie de leur consommation en grande distribution, ayant plus souvent recours aux drive et aux points de vente de proximité. Dans ce contexte, ce sont, parmi tous les vins tranquilles, des vins  moins valorisés qui ont été plébiscités. On peut noter une augmentation spectaculaire de la vente des BIB et des vins en IGP.  A contrario, le déconfinement (mai-juin) a marqué le retour immédiat des Français vers des vins beaucoup plus valorisés.

CONCLUSION

La crise inédite qui a bouleversé cette campagne 2019-2020 a fait bouger les lignes : celles des modèles d’export comme des circuits de distribution.  Face à un marché mondial de plus en plus difficile à lire, la réactivité est plus que jamais nécessaire. Si une reprise semble, depuis quelques semaines, se dessiner (voir les pages éco dans ce numéro), le deuxième confinement que nous vivons montre que les perturbations perdurent.  Les mois qui s’annoncent nécessitent donc de s’adapter, se diversifier, faire preuve d’agilité. 

En un mot : se réinventer.

OUTILS SPECIFIQUES MIS EN PLACE  EN REACTION A LA CRISE

Les perturbations successives qui ont ébranlé cette campagne ont nécessité la mise en place de dispositifs de crise, visant à rétablir l’équilibre du marché du vin.

Réduire l’offre

- A l’échelle nationale : 

aide à la distillation (pour Bordeaux, environ 500 000 hectolitres) 

aide au stockage 

question de l’arrachage désormais en discussion

- A l’échelle de la filière bordelaise : 

réserve interprofessionnelle pour les AOC Bordeaux rouge et Bordeaux supérieur rouge  élargissement du recours au VCI autorisé

Relancer la consommation

- actions de promotion adaptées au contexte (orientées vers les prescripteurs et non plus le grand public, synergie entre tous les acteurs, proximité) 

- plan régional d’aide directe aux entreprises produisant des vins certifiés par une démarche environnementale