Rouge frais et léger : le mode d’emploi du Bordeaux Claret

«U n rouge souple, peu tannique, fruité, gourmand, à boire frais » : c’est le portrait du Claret (prononcer « clarettt ») que le Syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieur souhaite relancer pour séduire les jeunes générations et les amateurs de rouges légers.

La mention existe en effet dans le cahier des charges de l’AOC Bordeaux depuis 2011, mais sans profil défini et conditions de production spécifiques. Le Claret, héritier des rouges légers et peu colorés exportés en Angleterre du 12e au 15e siècle, a presque disparu, sauf dans ce dernier pays, où 12 000 hl sont commercialisés en GMS chaque année.

Pour répondre aux nouvelles tendances de consommation, l’ODG a choisi de lui adosser un cahier des charges. Car il s’agit de distinguer clairement ce nouveau produit du Bordeaux rouge « classique » et du Clairet, classé en vin rosé foncé dans le CDC Bordeaux. « Les distributeurs s’accordent tous à dire que c’est un marché avec du potentiel, notamment à l’international », souligne Stéphanie Sinoquet, directrice du Syndicat. À condition de bien encadrer le nouveau profil du Claret et de travailler marketing et communication pour en assurer le succès.

Une démarche qui a représenté pour le Syndicat, avant dépôt du dossier à l’INAO, plusieurs mois de travail avec producteurs, négociants, œnologues et techniciens, avec la dégustation de plus d’une centaine d’échantillons de rouges légers et des enquêtes auprès de distributeurs et consommateurs.
Après quelques demandes d’ajustement, le comité national INAO a approuvé les conditions de production de la mention Claret le 12 juin dernier. « Il ne s’agit encore que d’un projet, rappelle la directrice. Nous sommes actuellement en période de procédure nationale d’opposition et il faudra attendre ensuite la signature ministérielle et la publication officielle. Nous espérons être prêts pour la récolte 2025 et une première revendication en décembre. »

Les points clés de la mention Bordeaux Claret

« Les Clarets sont des vins rouges à la structure tannique légère et à la couleur rubis à pourpre peu intense. Ils sont gourmands et sur des arômes de fruits rouges mûrs. Ces vins présentent une bonne aptitude à être consommés frais et plutôt dans leur jeunesse », précise le dossier INAO. « La philosophie du projet n’est pas de définir un itinéraire technique : il y a de multiples façons de produire du Claret, chacun aura sa technique, souligne Corinne Vecchiato, responsable technique du Syndicat. L’objectif pour les opérateurs est de répondre au minimum à ce qui a été arrêté dans le cahier des charges. Par contre, le contrôle des vins sera systématique, avant et après conditionnement, pour s’assurer de la conformité du produit, au moins les premières années. »

Pour les valeurs analytiques (voir PDF), le Claret est positionné comme un rouge « suave » mais pas sucré, avec une teneur en sucres résiduels maximale de 7 g/L liée à la valeur de l’acidité totale. L’édulcoration n’est pas, pour l’instant, autorisée dans les cahiers des charges des AOC mais est à l’étude par un groupe de travail de l’INAO depuis février dernier. L’ODG souhaiterait qu’elle soit autorisée, par moût de raisin concentré ou moût de raisin concentré rectifié, afin de pouvoir obtenir une teneur en sucres la plus adaptée possible au profil produit.

La fermentation malolactique est facultative. Si elle n’est pas réalisée, le repli du Claret vers le Bordeaux rouge, où elle est obligatoire, ne sera pas autorisé, a souligné le comité national de l’INAO.

« Nous n’avons pas fixé de durée d’élevage, c’est un vin à boire frais et nous souhaitons qu’il soit commercialisé comme les blancs et les rosés », indique également la responsable technique.

À noter : la mention Claret devra être portée sur les déclarations de récolte et de revendication ; le passage de Bordeaux rouge en Bordeaux Claret ne sera donc pas autorisé après revendication.

Rouge frais : Claret ou pas Claret ?

Lors de ses réunions d’information, le Syndicat propose de déguster six vins, servis frais, actuellement commercialisés en Bordeaux et qui remplissent les conditions du Claret. Cinq d’entre eux sont 100 % merlot, cépage par nature souple et fruité, le sixième comportant aussi 10 % de malbec, et tous sont issus d’itinéraires techniques différents. Des vins qui s’aventurent sur des sentiers nouveaux, conçus pour les palais des jeunes générations, avec fruité, rondeur, équilibre, trame tannique légère, et plus ou moins de gourmandise.

Sont également dégustés 4 vins qui ne répondent pas au profil attendu car trop légers, amyliques ou tanniques ou encore manquant de fruit et de gourmandise.

Concernant le marketing, si chaque opérateur décide de sa propre stratégie, la volonté du Syndicat est de cibler les 25-35 ans. Ses recommandations, qui concernent principalement le marché français, sont issues de trois études (interviews de 10 distributeurs, plus de 100 questionnaires à Bordeaux Fête le vin 2024 et 60 entretiens de consommateurs réalisés par Kedge). « Pour faire du lancement du Claret un succès, l’important est ne pas partir en ordre trop dispersé et de respecter le profil, qui doit être cohérent avec le reste de votre gamme », résume la directrice.

À l’international, « Claret » se prononcera facilement à l’anglaise. Tout l’enjeu sera d’obtenir la même chose en France, avec une montée en notoriété de la mention.

Packagings modernes et promesse visible

« Le packaging doit être en rupture avec le Bordeaux rouge classique. Le mot d’ordre des distributeurs est de faire moderne, simple, sans représentation de château. » La promesse du produit doit être visible sur l’étiquette – ou par un macaron – en utilisant impérativement les mots-clés : frais, léger, fruité.

« Le Claret reste un vin rouge sec. La sucrosité ne doit pas figurer à l’argumentaire, précise Stéphanie Sinoquet. Il faut plutôt parler de vin suave ou facile à boire. »

Pour le contenant, la bouteille transparente est préférée par les Européens ; la bouteille verte est préconisée pour le grand export ou des prix premium. La forme bourguignonne est autant appréciée que la bordelaise. Sont aussi bienvenus les packagings plus « atypiques », tels que bouteille de forme originale, bouchon à vis ou absence de capsule, ou utilisation d’une encre « thermolabile », qui affiche ou non certaines inscriptions en fonction de la température de la bouteille, par exemple « frais » lorsque la bonne température de service est atteinte.

« Nous sommes tous à la recherche de vins valorisés. Globalement, pour les rouges légers, les vins de France tutoient déjà les 10 €, indique la directrice. Des prix trop bas nuiraient à l’image du projet. »

Il reste pour le Syndicat à travailler et orchestrer un plan de communication commun. Mené avec une douzaine d’opérateurs ambassadeurs, celui-ci devrait comprendre portages d’échantillons à la presse et dégustations lors des événements où sont présents les Bordeaux. Il devrait se concentrer cette année sur la France, ainsi que sur l’Angleterre, où il faudra faire comprendre la transformation du Claret. Au prochain salon Vinexpo, l’ODG envisage également un stand dédié et une soirée « off » auprès de cavistes et restaurateurs, à reproduire à Bordeaux si les budgets le permettent.

« Avant de s’adresser au consommateur, précise Stéphanie Sinoquet, nous avons maintenant devant nous un gros travail de référencement commun à mener auprès des prescripteurs et distributeurs. »

Pour toute information sur le Bordeaux Claret, contacter le Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur au 05 57 97 19 20.