Vignobles Gabriel & Co : un collectif engagé dans une démarche éthique et solidaire

Crédit photo : François Huchet

Vignobles Gabriel & Co, structure atypique dans le vignoble, réunit une trentaine de vignerons de la rive droite. Basé sur l’entraide et la mutualisation, le collectif a pour priorités une juste rémunération et une démarche vertueuse et de qualité. Il est le premier acteur viticole français à être certifié commerce équitable par le label Fair For Life d’Ecocert.

C’est un modèle hybride dans le vignoble bordelais, qui tient à la fois de la coopérative, de la maison de négoce – son statut juridique – et d’une union de vignerons indépendants. Vignobles Gabriel & Co se définit surtout comme « un collectif engagé pour une viticulture éthique ».

Un collectif né dans le Blayais il y a une vingtaine d’années à l’initiative de Jean-François Réaud. En 1985, celui-ci reprend le domaine fondé à Saint-Aubin-de-Blaye par son trisaïeul Gabriel Bruneteau, le Grand Moulin, dont il ne reste alors que 7 ha en ugni blanc. Il reconstitue un vignoble de 25 ha et le modernise. Il décide de commercialiser lui-même ses vins mais s’aperçoit vite que la qualité ne suffit pas à garantir les ventes.

Pour valoriser ses vins auprès de la grande distribution, il a alors l’idée de les réunir en une « gamme » avec ceux de vignerons voisins, qui se donnent régulièrement des coups de main. « Le point de départ du collectif est l’entraide », souligne Jean-François Réaud. L’enseigne Carrefour, depuis partenaire principal, est d’emblée séduite par la démarche, synonyme d’authenticité et qui lui garantit une qualité et un volume. L’aventure est lancée.

Le collectif réunit aujourd’hui 34 vignerons de la rive droite, qui représentent près de 1 000 ha, pour une production annuelle de 6 millions de bouteilles. « Vignobles Gabriel & Co, c’est avant tout une vision globale et sociale, explique Jean-François Réaud, qui préside le collectif. Ce modèle, nous l’avons construit, structuré, fait évolué, avec un cahier des charges qualitatif, des contrats d’approvisionnement… Aujourd’hui, il réunit des vignerons indépendants mobilisés collectivement, dans un esprit de coopération et de solidarité. »

Le fondateur Jean-François Réaud. (crédit photo : Julie Rey)

Une juste rémunération pour le vigneron

Chaque vigneron s’engage dans un partenariat pour trois ans, par tacite reconduction, qui implique de respecter une charte de bonnes pratiques établie par le collectif : mutualisation, respect, amélioration de la qualité… Il élabore ses propres vins, de la conduite de la vigne à la vinification, épaulé par les équipes de Vignobles Gabriel & Co. Son identité est protégée : il garde son nom de château, la mise en bouteille, avec une unité mobile, étant mutualisée et la commercialisation assurée par la structure générale.

Le pari du collectif réside notamment dans une juste rémunération. Les prix d’achat mis en place par Vignobles Gabriel & Co, de par la certification Fair for Life, ont été définis avec l’aide d’un cabinet comptable externe. L’entreprise s’assure qu’ils correspondent aux coûts de production du viticulteur majorés d’un pourcentage dépendant du type de viticulture (5% pour les viticultures conventionnels et 10% pour les viticulteurs en bio). Soit des prix nettement au-dessus de ceux généralement pratiqués par le négoce, surtout en période de crise.

La seule variable pour le prix de rachat est la qualité : le contrat prévoit une note de référence pour un millésime, dégusté par un collège externe, et une grille d’évaluation avec « bonus » et « malus ». Et il existe un échéancier de paiement mensualisé, engagé avant même la mise en marché. « Dans notre modèle, le travail est rémunéré à sa juste valeur. Le viticulteur n’est pas tributaire de l’offre et de la demande mais de la qualité de son vin », résume Sébastien Lafitte, vigneron en Blaye Côtes de Bordeaux, partenaire depuis le départ. Quant à la marge perçue par l’entreprise, « elle est notamment réinvestie en faveur de la structuration commerciale et d’une meilleure valorisation de nos vins de la rive droite », indique le président.

Les préoccupations environnementales sont aussi au cœur de la démarche de Vignobles Gabriel & Co. « Toutes les propriétés sont certifiées HVE. 49 % des vins sont certifiés bio et/ou biodynamie et nous espérons que les 2/3 seront convertis ou en conversion à l’AB d’ici 2050. »

Si le logo Vignobles Gabriel & Co est apposé sur les capsules, contre-étiquettes et cartons, chaque vigneron garde son nom de château.

Une démarche rendue visible par Fair For Life

« Notre modèle était jusqu’à présent peu médiatisé, explique Jean-François Réaud, mais l’année 2020, complexe à gérer, nous a amenés à vouloir donner des preuves de notre démarche qualité. Nous avons contacté Ecocert et obtenu la certification « commerce équitable » après un audit à l’été 2020. » La certification Fair for Life, attribuée pour la première fois à un acteur du monde viticole en France, atteste de pratiques commercialement équitables et responsables en matière environnementale et sociétale. Une manière également, pour Vignobles Gabriel & Co, de rappeler aux consommateurs que les vignerons eux aussi doivent être rémunérés correctement pour travailler en respectant l’homme et l’environnement.

1 % des ventes certifiées équitables revient à un fonds de développement interne et finance des actions à destination des vignerons du collectif, par exemple la plantation de haies avec l’association Arbres et paysages, des journées de formation…

Une nouvelle orientation vers le CHR

La commercialisation de la production, aidée par une large gamme disponible, se fait à 50 % en France, surtout en GMS, et à 50 % à l’export (Japon, États-Unis, Canada, pays scandinaves). La crise n’épargnant pas forcément le collectif, un directeur commercial a été engagé dernièrement pour développer les circuits de la restauration et des cavistes. « Il a fallu beaucoup de temps pour structurer l’entreprise, il faut maintenant lui donner davantage de visibilité. Nous cherchons également sans cesse à améliorer la qualité de nos vins. »

Vignobles Gabriel & Co dispose de trois chaînes de conditionnement et depuis peu d’un second bâtiment de stockage de 5 à 6 millions de bouteilles.

Le marketing et la communication de Gabriel & Co mettent largement en avant la dimension humaine et l’identité de chaque vigneron, mis en situation, interrogé, filmé… « Les vignerons sont les meilleurs ambassadeurs de leurs vins et du collectif. Nous cherchons à valoriser chacun dans ses spécificités, son marché, par rapport à sa clientèle », souligne Carole Beaulieu, directrice générale des opérations. Quant au logo Vignobles Gabriel & Co, facilement identifiable et rappelant l’engagement commun, il se retrouve sur les capsules, les contre-étiquettes, les cartons, ainsi que sur le cône posé sur chaque bouteille en GMS.

Parmi les projets de l’entreprise pour l’année 2022 : le développement de nouvelles cuvées premium de vignerons partenaires, la participation à des événements locaux pour se rapprocher davantage des consommateurs…

Vignobles Gabriel & Co a également créé une CUMA, rejointe par la Cave de Tutiac, pour les matériels viticoles et la lutte anti-grêle (système Serelys). Les discussions ont été lancées avec les ODG pour envisager de généraliser ce dispositif aux appellations Blaye et Bourg.

Si des vignerons frappent régulièrement à sa porte, Vignobles Gabriel & Co n’a pas vocation à grandir pour le moment. « Notre modèle ne veut pas s’opposer au modèle classique mais proposer une complémentarité, souligne Jean-François Réaud. Il n’est pas question de s’affranchir des appellations, Bordeaux est un nom magique et doit rester une particularité à travailler dans une compétition devenue mondiale. Nous espérons seulement que notre démarche et notre certification de commerce équitable trouveront de la résonance dans le vignoble et que d’autres opérateurs s’en empareront. »

Cécile Poursac

Vignobles Gabriel & Co en chiffres

  • 35 vignerons indépendants de la rive droite représentant près de 1 000 ha.
  • Les appellations : Bordeaux, Bordeaux supérieur, Entre-deux-Mers, Blaye Côtes de Bordeaux, Castillon Côtes de Bordeaux, Francs Côtes de Bordeaux, Sainte-Foy Côtes de Bordeaux, Côtes de Bourg, Puisseguin Saint-Émilion, Montagne Saint-Émilion et Saint-Émilion Grand Cru.
  • Production annuelle : 6 millions de bouteilles.
  • Commercialisation : 50 % en France, principalement en GMS, et 50 % à l’export.
  • 48 salariés.
  • 2 bâtiments de conditionnement et stockage à Saint-Aubin-de-Blaye.
  • 1 camion mobile d’embouteillage (6 000 cols/h) qui peut être relié directement à la chaîne de conditionnement.

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