Prévention des difficultés des entreprises : faites du tribunal votre allié !

En cas de difficultés présentes ou à venir, les viticulteurs ont tout intérêt à recourir à l’aide du tribunal pour mettre en place des mesures et assurer autant que possible la pérennité de leur exploitation.

Les années 2020 et 2021 resteront dans les mémoires comme celles des confinements successifs et des aides massives de l’État et des collectivités territoriales afin de soutenir le tissu économique au travers de nombreux dispositifs dérogatoires et/ou innovants : fonds de solidarité, octroi de prêts garantis par l’État (PGE), soutien renforcé à l’activité partielle, prise en charge de cotisations sociales, etc.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et, pour certaines entreprises, les béquilles d’hier deviennent les talons d’Achille d’aujourd’hui : suppression de la plupart des mesures d’appui, dettes à long terme (dont les PGE) insoutenables, resserrement de l’octroi des crédits, augmentation significative du coût de l’argent, limitation des lignes de financement court terme, inflation aussi élevée qu’inattendue, attentisme et contraction des marchés.

Agir avant qu’il ne soit trop tard
Dans cet environnement pour le moins tumultueux, des solutions d’accompagnement existent et doivent être mises en œuvre lorsque le besoin s’en fait sentir. À cet effet, l’aide du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire* peut s’avérer précieuse.
Au fil des années, le législateur a conçu une « boîte à outils » particulièrement bien garnie dans le domaine de la prévention des difficultés des entreprises. À cet égard, il convient de distinguer deux grandes catégories de procédures :

  • d’une part, les procédures amiables : le mandat ad hoc, le règlement amiable** et la conciliation,
  • d’autre part, les procédures judiciaires : la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.

Les procédures amiables, mises en œuvre au travers d’une décision de justice, disposent d’un atout remarquable : elles consistent à prévenir les difficultés à venir des exploitations. En d’autres termes, le tribunal qui sera sollicité à cet effet n’aura pas pour dessein de juger le chef d’entreprise mais bien de l’accompagner dans la mise en œuvre de mesures destinées à garantir, autant que faire se peut, la pérennité de son exploitation.
Ainsi, à chaque niveau de difficulté correspond un dispositif approprié : le choix de la procédure dépend de la situation économique de l’entreprise et de l’état de cessation des paiements (voir tableau).

Le mandat ad hoc (Code de commerce)
Le mandat ad hoc se caractérise par sa rapidité et sa confidentialité. Cette mission peut notamment consister à aider le dirigeant à négocier un accord avec les principaux créanciers sociaux pour obtenir des délais de paiement. Cet accord n’est pas publié.
Sa mise en œuvre est simple : le chef d’entreprise demande au président du tribunal la désignation d’un mandataire dont la mission est déterminée par ce dernier. Le chef d’entreprise peut proposer lui-même le nom d’un mandataire ad hoc, sans pour autant que le tribunal soit contraint d’y faire droit. La durée du mandat ad hoc est libre.
Cependant, la désignation d’un mandataire ad hoc ne suspend pas les éventuelles poursuites engagées par les créanciers contre l’entreprise. Celle-ci peut toujours demander au juge des délais de paiement.
Enfin, on relèvera qu’un créancier appelé à négocier dans le cadre d’une procédure de mandat ad hoc n’est pas tenu d’accepter les propositions du mandataire.

Le règlement amiable (Code rural et de la pêche maritime)
Il s’agit d’une procédure spécifique aux entreprises agricoles, et exclusive de celle qui est organisée par le Code de commerce pour la procédure de conciliation des entreprises.
La procédure agricole du règlement amiable est applicable à toute personne physique ou morale de droit privé, notamment l’entrepreneur individuel, exerçant une activité agricole. Toutefois, les sociétés commerciales exerçant une activité agricole relèvent des dispositions prévues par le Code de commerce (voir ci-dessous la procédure de conciliation).
Ce dispositif est destiné à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles dès qu’elles sont prévisibles ou dès leur apparition, notamment par la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers.
Sur demande écrite du dirigeant de l’exploitation agricole, ou d’un ou plusieurs créanciers de celle-ci, formée au tribunal judiciaire, son président nomme par ordonnance un conciliateur dont le nom peut être proposé par le dirigeant. La durée de la procédure est fixée par le tribunal.
Le conciliateur a pour mission de favoriser le règlement de la situation financière de l’exploitation agricole par la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers sur des délais de paiement ou des remises de dettes.
Fait marquant de cette procédure, le président du tribunal a la possibilité de prononcer la suspension provisoire des poursuites pour une durée maximale de 2 mois (qui peut être prorogée). Cette décision a pour effet, dès la date de l’ordonnance, de suspendre ou d’interdire toute action en justice concernant les dettes antérieures de l’agriculteur.
A contrario, le dirigeant n’a pas le droit, sans autorisation du président du tribunal, de payer une créance née avant la décision.
La loi dispose par ailleurs que l’ordonnance prononçant la suspension provisoire des poursuites (ou sa prorogation) fait l’objet d’un avis publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ainsi que dans un journal d’annonces légales.

La procédure de conciliation (Code de commerce)
La procédure de conciliation est plus encadrée que le mandat ad hoc et peut offrir aux parties prenantes des garanties supérieures. À l’instar du mandat ad hoc, la conciliation n’affecte pas les pouvoirs de gestion du dirigeant et ne constitue pas un obstacle aux poursuites des créanciers contre l’entreprise, sauf pour ceux qui ont conclu un accord constaté ou homologué par le juge.
L’ouverture de la procédure est à l’initiative du chef d’exploitation, lequel doit présenter par écrit sa demande de conciliation au président du tribunal, en exposant la situation financière, économique et sociale de l’entreprise, ses besoins financiers et, le cas échéant, les moyens d’y faire face.
Le dirigeant peut proposer le nom d’un conciliateur.
À la différence du mandat ad hoc, la durée est en principe de 4 mois, celle-ci pouvant, sur décision motivée, être prorogée à la demande du conciliateur sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder 5 mois.

En conclusion
Si vous éprouvez ou anticipez des difficultés, il est important de ne pas rester isolé et d’en parler à vos conseils habituels.
La sollicitation du tribunal ne doit pas être vécue comme un parjure ou une honte mais bien comme une démarche volontariste afin qu’il devienne votre meilleur allié !

Sébastien Cruège
Expert-comptable ACTHEO
S

* Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas (Code de commerce, art. L.611-3 al. 2).
** Procédure spécifique aux entreprises agricoles.

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Tél. 05 56 79 64 14 – Courriel : entreprises@gironde.chambagri.fr

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