Luz Environnement lance le réemploi des bouteilles de verre

Annie Le Deunff lance la première usine de réemploi des bouteilles de verre près de Langon.

La start-up Luz Environnement lance son activité de réemploi des bouteilles vides en avril et débute dès à présent les collectes. Si la démarche est d’ordre environnementale et s’inscrit dans le cadre de l’économie circulaire, la chef d’entreprise l’aborde sous la forme d’un business model et d’une activité économique industrielle à part entière. Une première en France.

Annie Le Deunff est une femme pragmatique et décidée. L’ancienne responsable commerciale a de l’énergie à revendre. Depuis trois ans, elle travaille sur un projet d’usine de réemploi des bouteilles de verre. Un projet qui s’inscrit dans l’esprit des actions de la filière pour réduire son empreinte carbone. Elle a bénéficié de la protection de l’incubateur Bernard Magrez pendant plus d’un an. Et aujourd’hui, elle annonce la couleur : « En avril, nous devrions être opérationnels ! ».
Trois ans, c’est le temps qu’il lui a fallu pour mettre au point son « business model ». « Quand j’ai eu l’idée de Luz Environnement, je me suis tout de suite mis en tête une logique industrielle du réemploi des bouteilles de verre. » Tandis que les initiatives qui avaient vu le jour étaient souvent associatives ou artisanales. « Je me suis tournée vers les coopératives qui travaillent avec la GMS, et qui imposent zéro droit à l’erreur. J’avais besoin de connaître leurs attentes. C’était ma volonté de me tourner vers les interlocuteurs les plus exigeants. Et ils ne m’ont pas épargnée. Mais c’est un peu ce que je voulais ! »
Annie Le Deunff débute aussi un tour d’Europe pour voir comment le réemploi des bouteilles de verre est organisé. « En Allemagne et en Suisse, des systèmes de collecte et de réemploi des bouteilles de verre existent. Les personnes que j’ai rencontrées ont été transparentes car elles ne voulaient pas développer leur activité en France. Nous avons beaucoup échangé, souligne Annie Le Deunff. Nous avons même échangé du vin ! » Lors de ces rencontres, ses interlocuteurs l’autorisent à prendre des photos de leurs sites, à réfléchir à l’adaptation d’une usine similaire en France.

« C‘est un changement d’habitude mais
les gens sont prêts »

Le site : elle en a obtenu les clés fin 2021. L’usine de Luz Environnement, qu’elle a baptisé « Luz’Ine » investit les anciens locaux de l’usine Perrier à Verdelais (près de Langon). Le site dispose d’un important espace de stockage, des arrivées d’eau nécessaires.
Elle définit une stratégie en trois temps en 2022, année de lancement : organiser la collecte des bouteilles de verre auprès des professionnels (elle a débuté en janvier), mettre en route l’unité de tri, lavage, glaçage et séchage des bouteilles. Et ensuite, vendre les bouteilles prêtes au réemploi.
Dans un second temps, en année N+1, elle envisage un système de consigne qui permette d’intégrer les collectes auprès des particuliers.
La collecte. Luz Environnement a débuté ses premières collectes en janvier. « Il est régulier que je reçoive des appels de viticulteurs qui ont entendu parler du projet et qui me proposent des bouteilles vides. »
Ce travail est territorialisé : « L’idée est d’avoir une micro-structure par bassin de vie et bassin de production. Si l’entité de réemploi des bouteilles de verre vise une zone de chalandise trop large, les coûts de transports deviennent trop importants. »
Pour rationaliser ces collectes, et donc leur coût, Annie Le Deunff travaille à la réalisation d’une application avec un algorithme visant à définir les tournées de ramassage des bouteilles de verre pour limiter les coûts de transport.
Mais sur la possibilité de bénéficier d’une mise à disposition des bouteilles vides gracieusement, Annie Le Deunff affiche une grande confiance : « Certes, cela demande un changement d’habitude, mais les gens sont prêts ! ».

Qui peut participer à la collecte ? Pour cette chef d’entreprise, les cibles sont assez naturelles : « Le gisement initial, ce sont les professionnels. Les vignerons font déguster au caveau. Ils ont aussi souvent des stocks de bouteilles vides sur palettes qui prennent la poussière et qui deviennent impropres à l’embouteillage, et qui le plus souvent finissent à la benne. » Ce sont aussi les embouteilleurs, les négociants. Les organismes de contrôle ou les syndicats viticoles qui reçoivent des milliers d’échantillons chaque année.

Le réemploi d’une bouteille
possible 6 à 7 fois

« Je discute aussi avec les caves coopératives qui ont des boutiques. Si demain leurs clients reviennent avec des bouteilles vides qu’ils déposent sur des palox, pour ces magasins, c’est l’assurance d’un retour de clients. Vous savez, si la grande distribution déploie autant de moyens sur les cartes de fidélité, de jeux, c’est pour faire revenir les clients en magasin. »
Mais elle identifie aussi d’autres gisements : « Ce peut-être les salons, les moments de dégustation comme les Primeurs, les festivals comme Bordeaux fête le vin. Mais aussi les portes ouvertes. »
« Tout l’enjeu est que les bouteilles ne soient pas abîmées », ce qui demande un travail de pédagogie sur les points de dépôt.
Elle souligne que les bars à vins, les restaurants peuvent aussi être source de gisement. « Souvent, les grossistes récupèrent les bouteilles vides de leurs clients. Il en est de même des traiteurs à l’issue d’un mariage ou d’une manifestation car ils s’engagent à gérer les déchets de la fête. Or, ils finissent à la benne. Et là on se dit : « Ce n’est pas possible ! » »
Annie Le Deunff signale qu’elle ne va collecter que les bouteilles bordelaises. Pour faciliter la collecte, elle a besoin de volumes et d’accessibilité.
Le traitement en usine. Ensuite, une fois collectées, les bouteilles sont stockées à l’usine. C’est là que le modèle industriel prend tout son sens. « Nous nous sommes dotés de machines qui réalisent un tri laser et un tri optique. Nous pouvons ainsi dissocier les bouteilles en fonction de leur couleur ou de leur teinte. Nous enlevons de la chaîne, de façon automatisée, toutes les bouteilles qui ont des aspérités ou des microfissures. Nous utilisons des machines qui existent dans d’autres pays, mais nous y apportons les réglages spécifiques aux bouteilles bordelaises. » Une fois triées puis lavées, les bouteilles bénéficient d’un glaçage puis d’un séchage. « Le tout sous un tunnel de protection pour empêcher les dépôts de poussière. Nous aurons une capacité de traitement de 1 500 à 2 000 bouteilles à l’heure quand nous aurons atteint notre rythme de croisière. »
L’intérêt du réemploi des bouteilles de verre est qu’elles peuvent retrouver vie 7 à 10 fois. L’intérêt d’un gisement local est aussi fondé. « Le cycle d’une bouteille dépend de son histoire. Celle qui fait 600 kilomètres avec des entrechocs sera plus fragile que celle qui n’a pas voyagé. »

La revente des bouteilles. Une fois ce processus engagé, les bouteilles sont de nouveau prêtes à l’emploi, et peuvent être remises sur le marché en direction des vignerons, des caves coopératives ou des négociants sur les chaînes d’embouteillage.
La créatrice de Luz Environnement insiste sur un processus industriel qui se doit d’être professionnel et irréprochable : « Bordeaux réclame de la qualité ! Et pour que ce soit parfait, l’associatif ou l’artisanal est souvent limité dans ses moyens d’investissement. Si je me positionne en fournisseur, il est donc normal de proposer de la qualité. »
Sur le coût de la bouteille de réemploi, « elle sera légèrement moins chère. Mais elle doit supporter les coûts de transports, de masse salariale et d’investissement de l’usine de traitement. Pour ceux qui embouteillent avec des bouteilles de réemploi, c’est un support de communication qui montre un engagement environnemental et une réduction importante en termes de CO2. J’ai déjà des entreprises qui me demandent de pouvoir communiquer sur leur future démarche. » L’enjeu est de mettre les premières bouteilles de réemploi sur le marché l’été prochain, lors de la saison d’embouteillage.

Un modèle économique en construction


Luz environnement a bénéficié de plus 800 000 euros de subvention de la part de l’Ademe, de Citéo et de la Région Nouvelle-Aquitaine. « Le modèle économique de l’entreprise, sans subvention pour amorcer la démarche, aurait du mal à trouver le chemin de la rentabilité. Une usine comme celle de Luz Environnement n’existe pas en France, c’est une première. Mais ce type d’usine existe en Allemagne, en Suisse, et leurs modèles économiques fonctionnent. » Si la sensibilité environnementale du projet est manifeste, Annie Le Deunff s’appuie surtout sur sa viabilité. Et chaussée d’escarpins, en tenue « excecutive woman », elle se pose en chef d’entreprise : « Oui, j’ai un profil business, je l’assume ! » Son projet à terme envisage un million de bouteilles traitées chaque année, pour envisager 10 équivalents temps plein.
Pour lancer l’entreprise, Annie Le Deunff l’explique : « J’ai besoin de volume. » Et partout où elle passe, elle suscite la mobilisation. Sur son profil Linkedin, les vignerons soulignent déjà leur intérêt pour l’entreprise : « Nous gardons déjà des bouteilles pour vous. Nous vous attendons avec impatience, avec ou sans talons. »
Quant aux relations avec les verriers, Annie Le Deunff les considère comme sereines. « En Gironde, le bassin viticole utilise 700 millions de bouteilles. Mon activité de réemploi vise un minimum d’un million de bouteilles. Nous ne sommes pas dans une relation de concurrence, mais de complémentarité. Le recyclage, qui alimente les verriers, c’est bien. Mais le réemploi, c’est mieux. »

 Emmanuel Danielou

Vous avez un stock de bouteilles vides ?
Il vous reste des bouteilles vides qui peuvent faire l’objet d’un réemploi ? L’entreprise Luz Environnement collecte dès à présent les bouteilles (uniquement en bordelaises). Il est demandé un stock minimum à prélever pour des raisons de logistique.
Pour tout renseignement, écrire à : contact@luz-environnement.fr ou joindre le 06 50 16 41 22.
Par ailleurs, l’entreprise est à la recherche de palox en bois pour stocker les bouteilles sales.

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