« Le consommateur doit préférer Bordeaux, pour des raisons à la fois tangibles et affectives »

L’assemblée générale du CIVB du 11 décembre dernier, qui s’est exceptionnellement tenue à la Cité du Vin, s’est articulée autour de deux axes : d’un côté le plan d’arrachage et les mesures de crise prises par l’interprofession, de l’autre le plan d’attaque mis en œuvre pour augmenter la préférence pour la marque Bordeaux.

« Cela fait plus de trois ans désormais que nous parlons de crise des vins de Bordeaux. De “crises” au pluriel, successives et conjoncturelles – climatiques, sanitaires, géopolitiques. Et puis d’une crise plus profonde, qui s’est installée dans le temps, résultat d’un déséquilibre entre notre offre et la demande », a rappelé le président du CIVB Allan Sichel, en introduction de l’assemblée générale de l’interprofession, qui s’est tenue le 11 décembre dernier à la Cité du Vin.

L’un des volets de la stratégie de réponse à cette crise a consisté à ouvrir en juin dernier une campagne nationale de distillation, en parallèle d’un vaste plan d’arrachage sanitaire de vignes. Financé pour deux tiers par l’État (à hauteur de 38 millions d’euros), un tiers par l’interprofession (19 millions d’euros), ce plan ambitieux vise à arracher 9 500 hectares de vignes dans le Bordelais, permettant ainsi à la filière de « réduire durablement la capacité de production du vignoble et les volumes mis en marché ».
À quelques jours de la fermeture du guichet unique d’enregistrement mis en place par la Préfecture de Gironde, 489 dossiers avaient été déposés, correspondant à un peu plus de 3 000 hectares de vignes. 420 autres dossiers étaient enregistrés mais non finalisés.

« Le financement de l’arrachage sanitaire contraint très fortement l’interprofession sur le plan budgétaire », a poursuivi le président du CIVB. « Notre budget 2024 sera fortement déficitaire, et des coupes conséquentes ont été conduites sur nombre de nos actions. Pour autant, nous avons fait des choix, établi des priorités. Réduire notre volume de production n’aura pas l’impact escompté si, en face, nous ne mettons rien en place pour relancer notre marque Bordeaux, et faire en sorte que les consommateurs reviennent vers elle. »

« Capitaliser sur la diversité des vins de Bordeaux »

Toutes les actions de l’interprofession se concentrent donc désormais sur un seul but : relancer la préférence pour la marque Bordeaux. Allan Sichel a ainsi énuméré, preuves à l’appui, les raisons, « à la fois tangibles et affectives », pour lesquelles le consommateur doit désormais préférer la marque Bordeaux.
« Ce consommateur doit préférer Bordeaux, d’abord parce que Bordeaux lui propose les vins qui lui plaisent. Capitalisons sur la diversité de notre gamme, et adaptons encore un peu mieux notre offre aux attentes des consommateurs. » Lancée par l’interprofession au dernier trimestre 2023, la campagne baptisée « Terroirs de Bordeaux : des rouges de toutes les couleurs » était venue entériner cet objectif : faire savoir qu’à Bordeaux, on trouve des rouges pour tous les goûts. L’étude « Profil produit » sur les vins rouges de Bordeaux [voir plus loin], et les études menées depuis plusieurs années déjà autour de la désalcoolisation et les vins sans soufre, accompagnent également la filière, afin qu’elle puisse mieux adapter ses produits aux goûts des consommateurs.
« Le consommateur doit préférer Bordeaux, parce que Bordeaux peut s’accorder à tous les moments de consommation, a poursuivi Allan Sichel. Démontrons aux plus jeunes (18-35 ans) qu’on peut parfaitement accorder un Bordeaux à une planche d’apéro ». Et le président du CIVB de citer les ateliers « ludiques et didactiques » proposés par l’École du vin de Bordeaux lors d’événements aux quatre coins du monde, « dont le public repart, à chaque fois, enthousiaste et conquis ». À noter que l’École du Vin de Bordeaux forme, chaque année, quelque 90 000 personnes dans le monde.

« Bordeaux est porteur de valeurs »

« Le consommateur doit préférer Bordeaux, parce que Bordeaux répond à ses exigences en matière environnementales », a ensuite évoqué le président de l’interprofession. Aujourd’hui, plus de 75 % des surfaces du vignoble sont certifiées par une démarche environnementale. Et près de 200 entreprises ont rejoint la démarche collective de responsabilité sociétale des entreprises baptisée “Bordeaux Cultivons Demain”. En décembre, 82 d’entre elles ont même été labellisées dans le cadre de cette démarche.
« Gardons ce temps d’avance, qui sera demain un prérequis sur les marchés », s’est félicité Allan Sichel, avant de poursuivre : « Le consommateur doit préférer Bordeaux, parce que Bordeaux lui offre une expérience unique ». Celle, locale, d’un art de vivre à la bordelaise, patrimoine vivant. Sur ce point, Allan Sichel a salué les opérations menées sous la bannière #Bordeauxlocal (« c’est une formidable nouvelle que de voir qu’à Bordeaux, on encourage les visiteurs… à boire des vins de Bordeaux »), avant de conclure que « le consommateur doit aussi préférer Bordeaux parce que Bordeaux est porteur de valeurs ».
Ces valeurs, ce sont celles d’une « communauté de vignerons et négociants forte, solidaire, passionnée, engagée. Les 14, 15 et 16 mars prochains, l’édition 2024 de la Tournée des vins de Bordeaux doit venir, une nouvelle fois, mettre en lumière cette communauté. À nous de continuer, ainsi, à faire filière ».

Le directeur du CIVB Fabien Bova a ensuite présenté les prévisions du budget 2024, précisant que « dans chaque service du CIVB, les choix ont été opérés pour maintenir les moyens nécessaires à la stratégie de l’interprofession », avant de passer la parole à Ann-Cécile Delavallade (directrice du service économique), Marie-Catherine Dufour (directrice du service technique) et Florence Bossard (directrice du service marketing), qui ont présenté, à trois voix, les différents axes stratégiques menés par l’interprofession pour emmener la filière vers le rebond.
Une stratégie qui vise à « remettre le consommateur au centre », en collant au plus près des nouvelles tendances de consommation, et en s’adressant aux différentes générations de consommateurs qui considèrent, pour diverses raisons, que Bordeaux n’est pas pour eux. En particulier les plus jeunes, dont les évolutions dans leurs habitudes alimentaires pénalisent les vins rouges.
C’est d’ailleurs l’étude « Profil produit » qui a été présentée par Marie-Catherine Dufour. Menée par le service technique du CIVB, elle s’intéresse aux rouges “entrée de gamme” (5 à 8 euros), la plus volumique. Les premiers résultats révèlent une grande variabilité de goûts et « de la place pour l’expression d’une grande diversité de profils ». Pas de recette miracle, donc, mais l’identification de deux grands groupes de consommateurs : l’un qui plébiscite « plutôt les goûts fruits frais », l’autre « des vins plutôt équilibrés et dans la sucrosité ». « Il y a donc un enjeu de communication autour du vin, a conclu Marie-Catherine Dufour. Il faudrait assumer la typicité du vin qu’on vend, et en informer le consommateur pour éviter tout achat déceptif. »

Passer du « Bordeaux bashing » au « Bordeaux loving ».

Florence Bossard a ensuite pris la parole pour annoncer – sans la dévoiler – une grande campagne de communication prévue pour 2024, grâce à laquelle la filière entend « cibler les futurs consommateurs » et « capitaliser sur la diversité des vins de Bordeaux ». Elle sera révélée au premier semestre 2024 : présentée d’abord à la filière lors du Forum technique du 18 janvier, puis aux professionnels du vin dans le cadre de Wine Paris & Vinexpo Paris (12 au 14 février), elle sera également révélée au grand public via un affichage dans les rues de Paris et une activation sur les réseaux sociaux, puis grâce à la Tournée des vins de Bordeaux des 14, 15 et 16 mars. L’ambition affichée est de passer, grâce à l’impact de cette prise de parole collective, du « Bordeaux bashing » au « Bordeaux loving ».
Une ambition saluée par le préfet de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine Étienne Guyot, qui a clos la séance par un discours dans lequel il a souligné « son attachement à la filière ». « Il faut veiller à ne laisser personne au bord du chemin dans des situations qui peuvent être très compliquées », a-t-il martelé, invitant les personnes en difficulté « à se faire connaître » pour bénéficier des possibilités d’accompagnement proposées par les services de l’État.
Et de conclure sur une note optimiste : « J’ai la profonde conviction que les vins de Bordeaux ont un avenir. Nous n’avons pas cette tradition millénaire dans cette région pour nous arrêter là. Ça n’aurait pas de sens et surtout pas de justification. […] Cet avenir, nous allons le construire ensemble, professionnels, représentants de la filière, élus, services de l’État, partenaires. Et nous avons une obligation de résultat : on peut et on doit réussir ».

Perrine Dutreil

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