Foires aux vins d’automne 2019 : les ventes sont en recul mais Bordeaux reste leader
Chaque année, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux fait réaliser par la société IRI une étude sur les ventes des foires aux vins d’automne et une analyse par tranche de prix pour toutes les appellations bordelaises. De façon générale, en 2019, la chute des volumes s’est accélérée et le chiffre d’affaires est en net repli. Les ventes de Bordeaux sont en recul de 10 % en volume et 13 % en valeur, le vignoble restant cependant en position dominante.

Les foires aux vins ont connu, au fil du temps, des évolutions importantes, tant au niveau de l’offre que de la demande. Si, jusqu’en 1997, Bordeaux, en particulier ses appellations et crus prestigieux, occupait une place de choix au sein des foires, l’évolution à la hausse des prix des vins de Bordeaux a laissé, par la suite, la porte ouverte à d’autres vignobles français, sans que ceux-ci réussissent pour autant à dynamiser l’événement, comme l’avaient fait jusque-là les vins de Bordeaux.
Depuis 2013, les grandes surfaces ont amplifié leur désengagement pour les AOC les plus chères, morosité économique oblige. Elles ont choisi d’offrir davantage de produits de gamme moyenne, piochant même dans certaines autres catégories de vins (IGP, vins étrangers) et quelques rares vignobles capables d’offrir des vins de qualité dans cette gamme de prix. 2017, après une édition 2016 en creux, était une année de reprise, tant en volume qu’en valeur, le chiffre d’affaires dégagé par les grandes surfaces atteignant le niveau record de 347 millions d’euros. 2018 présentait un caractère inédit, avec un recul transversal des AOP et des taux de repli particulièrement vifs.
La pression promotionnelle est à la baisse
L’édition 2019 s’est déroulée dans un contexte particulièrement dégradé, avec une grande distribution fragilisée et des vins tranquilles qui reculent sur l’année (- 5 % en volume) plus rapidement que l’ensemble des produits de grande consommation. Les raisons sont multifactorielles : la catégorie subit l’érosion de consommation d’alcool et le repli de la consommation régulière de vin qui pénalise particulièrement les vins rouges, elle est fortement impactée par la mise en place de la loi EGALIM encadrant les promotions et relevant le seuil de revente à pertes (SRP) de 10 % et elle continue de subir les suites de la récolte 2017 avec son niveau historiquement bas…
La pression promotionnelle en prospectus baisse pour la première fois lors des foires 2019 (- 2 %) par le fait, essentiellement, des deux enseignes les plus actives (Leclerc et Carrefour). Cela impacte principalement Bordeaux (- 9 %) qui ne concentre plus que 37 % de la pression promotionnelle prospectus des AOP, plus faible niveau (- 3 points par rapport à 2018). Le nombre de magasins qui ont relayé l’événement est en légère hausse, avec environ 200 supermarchés de plus, l’intégralité des hypers réalisant déjà des foires aux vins. L’exécution en magasin se dégrade rendant l’événement moins visible : baisse du nombre de points de ventes avec une PLV en allée centrale en supermarchés, avec des animateurs et des soirées avant-premières en hypers…
Les rouges sont les plus touchés
Les ventes d’AOP lors des foires aux vins 2019 s’inscrivent dans le même rythme de recul que sur l’année en volume (- 8 %) et en valeur (- 6 % vs - 5 % à l’année). Le repli concerne les deux circuits, mais les supermarchés surcontribuent aux pertes via notamment une réduction plus forte de leur assortiment (- 10 %) que les hypers. Les rouges expliquent près de 80 % des pertes des AOP, les rosés le reste, tandis que les blancs parviennent à se développer (+ 6 % en volume). Seuls trois vignobles sont épargnés par cette tendance négative : la Loire (en rouge et blanc), l’Alsace et le Beaujolais. La Bourgogne résiste, le repli de ses rouges étant limité par la croissance des blancs. A contrario, la Provence (- 22 %), le Sud-Ouest (- 16 %) et le Rhône (- 13 %) sont particulièrement touchés.
Les ventes de Bordeaux sont en baisse de 10 % en volume et 13 % en valeur (après une édition 2018 déjà très négative avec respectivement - 17 % et - 9 %). Le vignoble est notamment touché par la contraction de son assortiment lié à sa moindre présence en prospectus, les modifications de mécaniques promotionnelles et la valorisation des châteaux classés. Le groupe Bordeaux (- 16 %) concentre 61 % des volumes perdus, pénalisé essentiellement par l’évolution des mécaniques promotionnelles sur les cartons au sein de l’AOC régionale en rouge et rosé (remplacement des 1+1 par du 34 % de remise au mieux). En Côtes (- 6 %), les AOC Blaye Côtes de Bordeaux et Côtes de Bourg résistent. Le groupe Médoc & Graves (- 10 %) explique 24 % des pertes en volume et 53 % des pertes en valeur du vignoble avec des Communales particulièrement négatives (- 18 %) pénalisées par les châteaux, classés ou non, et leurs seconds vins. Saint-Émilion Pomerol Fronsac (- 4 %) n’est épargné qu’en Fronsac & Canon et Satellites (-1 %). Les Doux (- 8 %) expliquent les pertes de Bordeaux en blancs via Sauternes et Sainte-Croix du Mont, tandis que les Secs (+ 1 %) bénéficient des croissances en demande et/ou présence de l’Entre-Deux-Mers, Pessac-Léognan et Blaye.
Les vins de Bordeaux en position dominante
Les vins bio, 5 % des ventes en foires comme à l’année, sont toujours très bien orientés (+ 17 % en volume et + 23 % en valeur), avec une croissance intégralement liée à l’élargissement de l’offre (51 références au total en hypers soit + 11 références vs 2018, et + 2 en supers). Les ventes de vins bio en foires sont très typées AOP (79 % du volume) et rouge (78 %). Bordeaux rattrape le Rhône en volume (28 % des ventes) via des référencements en Bordeaux Supérieur.
Le vignoble n’en reste pas moins le principal acteur d’un événement qui demeure essentiel pour l’activité et la fréquentation des points de vente, avec un leadership, en volume (32 % des ventes d’AOP), comme en valeur (43 % du chiffre d’affaires), en bio comme en conventionnel. Cette position dominante concerne l’ensemble des niveaux de prix au sein des AOP rouges et est d’autant plus importante que le niveau de prix est élevé. Une référence moyenne de Bordeaux génère en hypermarché 54 % de chiffre d’affaires de plus qu’une référence moyenne d’AOP (14 % de plus en volume). Bordeaux reste donc incontournable en foires aux vins.
Magali Dubeau,
Service Économie et Études - CIVB