La viticulture, grande oubliée du plan de relance de l’État

Afin d’aider à la relance de l’économie après plusieurs mois d’arrêt presque complet, le gouvernement a mis en place un plan d’aide doté de 500 milliards d’euros. L’examen de ce nouveau plan par le Parlement dans le cadre d’un troisième projet de loi de finances rectificative montre que l’agriculture en général, et la viticulture en particulier, sont les grands oubliés des aides gouvernementales à l’économie.

Moins de 275 millions d’euros pour une filière qui pèse plus de 13 milliards d’euros dans la balance commerciale française, voilà à quoi se résume l’enveloppe prévue pour aides la viticulture, principalement sous forme d’aide à la distillation, d’exonération de charges sociales et, à un moindre niveau, d’une aide au stockage. Encore faut-il déduire une partie du financement de l’aide à la distillation – à hauteur de 80 millions d’euros – prélevés sur le Programme National d’Aide financé par l’Europe. 
Face à ces propositions très insuffisantes, malgré plusieurs rencontres avec les ministres de l’Économie, du Budget et de l’Agriculture, les organisations professionnelles nationales – CNAOC en tête – ont vivement réagi par voie de presse, tout en proposant avec l’appui des parlementaires une série d’amendements au dernier projet de Loi de finance rectificative.

Les propositions du gouvernement adoptées par le conseil des ministres du 10 juin dernier dans le cadre du 3e projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR 3) sont les suivantes.
Le dispositif prévoit une exonération totale des cotisations et contributions patronales (à l’exception des cotisations affectées aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires), au bénéfice des employeurs de moins de 250 salariés, correspondant aux périodes d’emploi du 1er février au 31 mai 2020 qui ont subi une baisse de 80 % chiffre d’affaires entre le 15 mars et le 15 mai. Cela revient à exclure de l’exonération totale la plupart des exploitations, alors qu’elles ont poursuivi leur activité pendant cette période et assumé les charges salariales correspondantes.

Le dispositif prévoit également :
• Une aide au paiement des cotisations au bénéfice des employeurs sous forme d’un crédit égal à 20 % de la masse salariale sur les périodes d’emploi prévues pour l’exonération de cotisations patronales et utilisable pour le paiement de l’ensemble des cotisations et contributions déclarées en 2020.

• Des remises de dettes sur demande, pour les employeurs de moins de 50 salariés dont l’activité a été réduite d’au moins 50 % par rapport à la même période de l’année précédente ; sans précision du niveau d’exonération.
• Une mesure exceptionnelle d’exonération de cotisations et contributions personnelles de sécurité sociale dues par les chefs d’exploitation, qui prendra la forme d’un montant forfaitaire d’exonération des cotisations et contributions dues au titre de l’année 2020. La réduction forfaitaire serait équivalente à 4 mois de cotisations moyennes dues en 2019.

Par ailleurs, il est prévu un déblocage exceptionnel de l’épargne retraite des travailleurs non-salariés rencontrant des difficultés économiques liées à l’épidémie de Covid-19.

Les contre-propositions 
de la viticulture

Afin d’obtenir une amélioration de ce dispositif d’exonération insuffisant, la CNAOC et la FGVB ont transmis aux parlementaires girondins, avec le relais des ODG, des propositions d’amendements au texte.
La première proposition demande l’élargissement du périmètre du dispositif d’exonération de charges aux entreprises de la filière viticole, à hauteur de 50 %, pour toutes les entreprises du secteur quelle que soit leur taille sur la période considérée, et une exonération à hauteur de 100 % au-delà de 60 % de perte de chiffre d’affaires entre le 15 mars et le 15 mai.
Plusieurs autres amendements prévoient l’ouverture du bénéfice du dispositif d’exonération de charges aux groupements d’employeurs, l’augmentation des seuils d’exonération de charges lors de l’embauche de travailleurs occasionnels (dispositif TO/DE) et enfin la possibilité pour les exploitants viticoles, à titre dérogatoire, de calculer leurs cotisations sociales sur le résultat de l’année N.
Ces propositions sont également portées par l’Association Générale de la Production Viticole et la FNSEA auprès des parlementaires.

Par ailleurs, plusieurs propositions fiscales ont également été portées par la CNAOC et ses fédérations auprès des parlementaires.
Le principal amendement vise à neutraliser l’impact fiscal et social de l’augmentation des volumes des stocks (produits invendus suite à la crise sanitaire) sur option de l’exploitant, sur l’exercice en cours. Il permet de prendre en compte la hausse des stocks subie par l’ensemble de la viticulture du fait du très fort ralentissement de l’économie pendant la période de confinement.

Les autres amendements proposés prévoient, d’une part, la défiscalisation de l’utilisation en 2020 des sommes antérieurement épargnées au titre de la Dotation Pour Aléas (DPA) et de la Déduction pour Épargne de Précaution (DEP), et d’autre part, l’application d’un taux réduit de TVA de 10 % sur les boissons alcooliques vendues en restauration, afin de favoriser la relance de ce débouché très important pour la filière viticole.

Alors que le débat parlementaire bat son plein, nous ne pouvons préjuger de la suite donnée à ces initiatives professionnelles pour obtenir l’amélioration d’un dispositif d’aide qui est loin d’être à la hauteur des enjeux.
Nous remercions les parlementaires qui ont – sous l’égide du groupe Vigne et Vin et Œnologie de l’Assemblée Nationale – déposé ces amendements et qui les défendront lors des débats. Nous savons également pouvoir compter sur les sénateurs girondins lors du débat sur le projet de loi qui se déroulera au Sénat courant juillet.

■ Yann Le Goaster

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