Anosmie et dégustation, l’ISVV se mobilise

Que faire lorsque l’on perd l’odorat et que notre formation ou expertise repose sur de la dégustation ? L’Institut dessciences de la Vigne et du Vin propose un livret d’entraînement et fournit un kit à ses étudiants.

La crise sanitaire de la COVID-19 a mis en lumière les difficultés sociales et psy- chologiques rencontrées par les personnes présentant des troubles de l’olfaction et de la gustation. Rappelons cependant que ceux-ci affectent environ 5 à 15 % de la population générale hors crise sanitaire et ont de multiples causes. L’impact de ces déficits peut toucher aussi bien la sphère personnelle que professionnelle. En effet, œnologues, sommeliers, cuisiniers, parfumeurs ou aroma- ticiens entre autres sont alors directement affectés dans l’exercice de leurs métiers.

Depuis le début de la crise, la filière se mobilise pour tenter d’aider et soutenir les professionnels touchés par ces problèmes. Pour exemple, l’enquête internationale lancée par l’UFOE (Œnologues de France) au printemps 2020 et ayant pour objectif de faire un état des lieux de ces problématiques.

L’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin se mobilise aussi auprès de ses étudiants (licences, diplôme national d’œnologue, masters, diplômes universitaires, etc.) en leur proposant un protocole d’accompagnement et de récupération.

Avec le soutien de l’Université de Bordeaux et de ses services médicaux, l’objectif de l’équipe pédagogique de l’ISVV est, dans un premier temps, d’offrir une écoute à ses étudiants et de lever les tabous autour des troubles olfacto-gustatifs pour de futurs professionnels de la filière. Dans un deuxième temps, il s’agit d’aider l’étudiant à récupérer au plus vite et au mieux ses facultés utiles à son apprentissage et à son métier.

Ainsi grâce au protocole mis en place, l’étudiant est guidé dans les démarches et actions à mener. Par exemple, des consultations spécifiques comme celles proposées par le Dr Camille de Bonfils à la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle permettent de poser un diagnostic personnalisé. Celui-ci s’appuie sur des tests olfacto-gustatifs reconnus, une évaluation de la mémoire et du ressenti sensoriel, couplés à un examen clinique. Il renseigne et rassure aussi l’étudiant sur ses capacités de récupération.

Car oui, une récupération est possible. L’équipe pédagogique a donc édité pour ses étudiants un livret d’entraînement qui complète les cours et les informations données sur la problématique des troubles sensoriels. Ce livret a pour objectif de guider et d’inciter l’étudiant à consacrer quelques minutes par jour à son entraînement. En ayant en tête qu’il n’est pas toujours évident de garder un état d’esprit positif quand on n’observe pas de progression régulière de son acuité olfactive. Ce document original propose des exercices variés pour limiter un effet de lassitude chez la personne impliquée dans cette démarche.

Répéter les expositions à des odorants

Les exercices proposés sont issus de l’expertise de l’ISVV dans l’apprentissage olfacto-gustatif, ainsi que de travaux scien- tifiques dans le milieu clinique et publiés par des équipes de recherche internationales. L’utilisation de ce livret a été validée par le médecin ORL collaborant à la mise en place du suivi des étudiants de l’ISVV. Les exercices reposent sur des expositions répétées à des odorants, à de l’imagerie mentale olfactive (capacité à imaginer mentalement les odeurs) et à des tâches associatives (cf. page suivante). À noter que ces exercices peuvent avoir des effets physiologiques, neurophysiologiques et cognitifs qui optimisent la récupération possible de l’acuité olfactive, mais ne sont en aucun cas une garantie d’un temps de récupération ou d’un taux de récupération.

En complément du livret, l’ISVV fournit à chacun des étudiants engagés dans ce pro- cessus de rééducation un kit olfactif, support de son entraînement quotidien. Celui-ci est composé de différentes huiles essentielles sélectionnées sur la base de travaux scientifiques spécifiques à ces problématiques. Les odorants sélectionnés sont évolutifs en fonction de la récupération de l’étudiant. Les kits réalisés par l’ISVV se présentent sous forme de stylos olfactifs (Sniffinsticks© Burghart) ou via l’utilisation du diffuseur portatif PtitSniff© (https://www.leptitsniff.paris). Ces outils reconnus dans le milieu de l’olfaction ont vocation à permettre une diffusion contrôlée et sécurisée des odorants.

L’équipe pédagogique organise un suivi mensuel des étudiants pour adapter au mieux l’entraînement proposé. Ce protocole de suivi se veut transférable et adaptable à toute personne de la filière, bien sûr les professionnels inscrits en formation à l’ISVV, mais aussi tout professionnel confronté à des difficultés olfactives récurrentes en lien ou non avec la COVID-19. C’est pourquoi l’ISVV met à disposition de tous son protocole sur son site internet : www. isvv.fr

> Sophie Tempère, Gilles De Revel et Laurence Geny-Denis

Unité de recherche Œnologie, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin Université de Bordeaux/INRAE/IPB, 210, chemin de Leysotte 33882 Villenave d’Ornon cedexe

4 étapes à suivre si vous pensez avoir des troubles de l’olfaction

1 – L’observation de vos sens

Il n’est pas toujours aisé de bien différencier l’odorat et le goût, et donc d’observer un trouble possible d’un de ces deux systèmes sensoriels. Vous disposez cependant de certains outils dans votre quotidien pour réaliser un test olfactif ou gustatif simple et rapide. Vous pouvez, par exemple, utiliser des arômes alimentaires pour pâtisserie que l’on peut trouver en épiceries ou grandes surfaces.

Ces produits étant assez concentrés, une perte (aucune perception), une diminution de l’intensité aromatique perçue pour tous les arômes testés ou une distorsion de leurs qualités (perception déformée) vous aidera à identifier un possible trouble de l’olfaction.

2 – La consultation d’un médecin ORL spécialisé dans les troubles olfactifs

3 – L’entraînement quotidien à l’aide d’exercices (extrait du livret ISVV)

Il n’est pas toujours évident de garder un état d’esprit positif quand on n’observe pas régulièrement de progression de son acuité olfactive, mais n’oubliez pas que votre moral compte pour effectuer ces exercices dans les meilleures conditions possibles d’attention.

– Vous pouvez mobiliser quotidiennement votre capacité à imaginer les odeurs (création d’une hallucination olfactive sur commande). Pour bénéficier de cet entraînement, choisissez un moment de calme dans votre journée. La création d’une image mentale olfactive n’étant pas un exercice habituel, elle peut être aidée par le fait de fermer les yeux. Choisissez une odeur dont le souvenir vous semble vivace dans votre mémoire. Vous pouvez noter sur un carnet de suivi l’intensité de l’odeur imaginée (sur une échelle de 0 (pas d’odeur perçue) à 4 (forte) et la facilité à réaliser cette tâche (sur une échelle de 1 (très facile) à 4 (très difficile), ainsi que l’évolution de vos performances au cours du temps.

– Vous pouvez effectuer un entraînement par des expositions répétées à des odeurs. Pour bénéficier de cet entraînement, choisissez un moment de calme et sentez une série de quatre huiles essentielles (flairez lentement et profondément pendant environ 30 secondes chaque huile essentielle et observez une pause de 30 secondes entre chacune d’elles). Vous pouvez choisir de diluer ou non ces huiles essentielles pour augmenter ou diminuer en fonction de l’évolution de votre acuité.

Chaque jour, notez l’intensité perçue pour chaque huile essentielle (sur une échelle de 0 (pas d’odeur perçue) à 4 (forte) ainsi que votre perception hédonique pour chaque odeur (sur une échelle de 1 (désagréable) à 5 (agréable). Observez l’évolution quotidienne de vos performances.

Lors du premier mois d’entraînement, vous pouvez lire le nom de chaque huile essentielle avant de sentir celle-ci. En effet, l’association exposition/descripteur peut faciliter le retour en mémoire de l’odeur correspondante. De plus, afin d’augmenter votre attention, vous pouvez vous concentrer sur les souvenirs ou images liés à cette odeur avant la perte ou la diminution de votre odorat.

Pour les deux mois suivants, effectuez cet exercice à l’aveugle en piochant au hasard les flacons d’huile essentielle rendus anonyme.

– Vous pouvez vous appliquer à prêter une attention particulière aux odeurs ou aux souvenirs olfactifs associés aux

gestes du quotidien. Cela vous permettra d’avoir des repères sur l’évolution de votre acuité.

Le protocole complet est disponible sur le site de l’ISVV : www.isvv.fr

Pour tout renseignement complémen- taire, contactez : isvv-C19@u-bordeaux.fr

4 – Un suivi de l’évolution de votre acuité par votre médecin ORL référent

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