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Vendanges 2025 : les vignerons bordelais témoignent

En cette dernière semaine de septembre, à l’heure où l’on attaquait les premières tries pour les liquoreux, des vignerons de tous les terroirs de Bordeaux nous ont livré leurs premiers retours sur les vendanges et la récolte 2025. Si les rendements s’annoncent faibles, le millésime se montre plus généreux concernant la qualité, avec des blancs expressifs et aromatiques et des rouges concentrés et élégants.
Photos des vignerons bordelais ayant témoigné sur les vendanges 2025
Union Girondine
« La qualité est superbe »

« Nous avons terminé les vendanges le 23 septembre avec les derniers cabernets, indique Sabine Silvestrini, à la tête des Vignobles du même nom, à Lussac, qui produisent en AOC Lussac Saint-Émilion (16, 5 ha), Montagne-Saint-Émilion (4,5 ha) et Pomerol (1 ha). La qualité est superbe, avec de belles couleurs, des raisins à maturité et très aromatiques. » Le millésime est pour elle marqué par la concentration et des rendements faibles, mais conforme à ses estimations, avec des pieds peu chargés mais des grappes bien réparties. « L’été a été marqué par le stress hydrique sur nos sols les plus drainants et il est regrettable que les pluies soient arrivées tardivement. Nos vignes les mieux enracinées ont heureusement pu bénéficier des réserves hydriques. Durant l’été, les conditions climatiques et les températures élevées nous ont fait penser au millésime 2022, mais les températures ont ensuite beaucoup chuté et les vendanges ne sont pas déroulées dans les mêmes conditions. Nous n’avons pas eu de blocage de maturité et tout est allé très vite. C’est la première fois que nous vendangeons aussi tôt, dès le 8 septembre en Pomerol. Nous avons ramassé tous nos raisins à maturité, avec un joli potentiel phénolique. » « C’est un très beau millésime, conclut Sabine Silvestrini. Autour de nous, tous les vignerons sont également enthousiastes sur la qualité. »

Sabine Silvestrini, Château Chéreau (Lussac St-Émilion, Montagne St-Émilion, Pomerol)

sabine silvestrini du chateau Chereau

Crédit Photo : Vignobles Silvestrini

« Il faut valoriser ce millésime au grand potentiel qualitatif »

Au Château Vilatte, à Puynormand, Stefaan Massart gère la propriété familiale de 18 ha avec sa fille Charlotte. Il cultive 12 cépages, avec une production en bio axée sur les vins frais. « Nous avons lancé les vendanges le 2 septembre pour nos jus de raisin et avons poursuivi avec les rosés de pressurage, puis les blancs et enfin les rouges le 15 septembre. Avec un temps magnifique, nous avons eu le loisir de vendanger comme on le voulait, en récoltant le matin seulement pour les journées chaudes. Nous avons eu quelques phénomènes de stress hydrique, notamment des parcelles de merlot sur une veine de graves. Ce sont elles qui ont ensuite repris le plus d’eau, qu’il fallait surveiller de près et que nous avons vendangées en premier pour les rouges. »
Côté volumes, ceux-ci sont en baisse de 30 à 40 %, une information selon lui plutôt positive vis-à-vis des marchés. « Nous avons ramassé de très beaux raisins, très sains, avec une expression et un fruit incroyable, d’un grand potentiel, autant en blancs qu’en rouges. Je trouverais dommage qu’on brade ce millésime si qualitatif, il faut le valoriser. D’autant que l’année a été difficile, avec beaucoup de travaux à réaliser en même temps en raison d’un cycle végétatif raccourci. » Les rouges ont atteint une maturité qu’il a rarement vue, « avec des peaux très tendres, des pépins vraiment mûrs ». En fin de vendanges, il lui restait de très beaux merlots de vieilles vignes, avec un peu d’acidité. « Nous avons travaillé pour la première fois une cuvée en clairet. C’est extrêmement aromatique, on est sur le petit fruit noir, c’est très beau. »
« Dans le cadre de notre CUMA, ajoute Stefaan Massart, nous avons fait l’acquisition d’un petit pressoir mécanique et tout le monde a vendangé des petits lots pour faire des rosés, des blancs de noir… Tout le monde est ravi. Le plus difficile est de continuer à avoir des projets dans ce contexte et le collectif est une bonne solution pour ça aussi ! »

Stefaan Massart, Château Villate (Bordeaux et Bordeaux supérieur)

Stefaan Massart, Château Villate Bordeaux et Bordeaux supérieur

Crédit Photo : Château Vilatte

Entre incertitudes et satisfaction

« Nous avons commencé à vendanger début septembre pour les Sauvignons, avec un petit rendement de 30 hl/h. Le rendement en rouge a atteint 40 hl/h. La qualité est belle, sans être exceptionnelle. Nous n’avons pas atteint les maturités que nous avions en 2003 et 2010 », annonce Christophe Terrigeol, qui exploite avec son épouse Marie-Claude et leurs fils Quentin et Nathan le Château des Matards, propriété familiale depuis quatre générations. « L’initiation florale s’est jouée en juin 2024, un mois marqué par des ciels gris, un ensoleillement déficitaire et un temps instable, précise-t-il. La vigne a manqué de lumière au moment crucial, ce qui explique en partie pourquoi nous avons moins de grappes en 2025. Cette année, en revanche, le mois de juin a été idéal : nous devrions avoir une belle quantité l’an prochain. »
Exploitant 60 hectares en AOC Blaye et Blaye Côtes de Bordeaux, dont une partie en bio, il rappelle avoir perdu 90 % de la récolte en 2022. « Alors, même avec une petite vendange 2025, nous sommes assez contents. Nous parviendrons à faire des vins plaisants, ronds, flatteurs et légers. » Globalement, il estime avoir eu une belle année, avec seulement un peu de mildiou sur certaines parcelles. « Cependant, même quand la vigne nous apporte satisfaction, l’avenir reste plein de menaces, avec la ré-homologation du cuivre en suspens, notamment. Sera-t-on tranquille un jour ? », interroge-t-il.

Famille Terrigeol, Château des Matards (Blaye Côtes de Bordeaux)

Famille Terrigeol, Château des Matards (Blaye Côtes de Bordeaux)

Crédit Photo : Château des Matards

Un millésime annoncé comme un « Big Five »

Marie-Hélène Yung-Théron, du Château de Portets, propriété familiale dans les Graves depuis trois générations, a été épaulée le temps d’un week-end de septembre par son fils Charles Yung, jeune ingénieur agronome diplômé de l’ESA d’Angers. « 2025 pourrait bien surprendre par sa finesse et son intensité, résume-t-elle. Les rouges ont un profil très prometteur, structuré et puissant, avec des tanins élégants. Les raisins, bien que petits, affichent une maturité remarquable. On parle déjà d’un Big Five, à la hauteur des grands millésimes 2005 et 2015. »
Les quantités récoltées sont cependant en forte baisse, aussi bien pour les rouges (26 ha du domaine) que pour les blancs (4 ha). Elle précise : « Côté blancs, les volumes reculent de 50 %. Ils sont très riches, avec un bel équilibre. Leur fraîcheur a été préservée, et leur rareté en fait des joyaux cachés. » Selon elle, le vieux dicton « Août fait le moût » s’est vérifié cette année : le mois a été très chaud, et les pluies de septembre sont arrivées trop tard, puisque les vendanges se sont déroulées du 26 août au 20 septembre. « Alors que la fermentation alcoolique touche à sa fin, les premières cuves révèlent déjà une belle promesse. L’écoulage viendra confirmer les équilibres et les volumes, mais tout laisse présager un millésime racé, intense et lumineux », conclut-elle.

Marie-Hélène Yung-Théron, Château de Portets (Graves)

marie hélène Yung Théron Château de Portets dans les graves

Crédit Photo : Château de Portets

Une qualité aussi exceptionnelle que 2022

« Le début de saison nous a clairement fait peur, lance Éloi Jacob, directeur général du Château Fourcas Hosten à Listrac-Médoc (50 ha, propriété de Laurent et Renaud Momméja). Le week-end de Pâques, nous avons subi un gros orage avec 80 mm de pluie, ce qui a augmenté la pression mildiou. Puis la fin de printemps et le début d’été ont heureusement été marqués par un temps sec. Finalement, on revient à des vendanges plus classiques, comme il y a 10 ans, avec une jolie récolte. Nous avons démarré à la main par les blancs, début septembre. Avec seulement 2,2 ha, nous avons pris le temps de surveiller les maturités pour ramasser au bon moment. Nous devrions atteindre un petit rendement de 25-30 hl/ha. » Si la récolte n’est pas volumineuse, elle est en revanche très qualitative, juge-t-il.
« On ne s’attendait pas à cette expression aromatique par rapport à la sécheresse que nous avons eue. Pour les rouges, nous avons commencé à vendanger au 15 septembre, avec quelques parcelles de merlot dès le 8. Nous observons des différences de rendement entre nos sols argilo-calcaires à 40-45 hl/ha et nos sols de graves,
où on est plutôt à 20-25 hl/ha. » Les pluies de la fin août ont activé la maturité phénolique, avec des peaux qui se sont bien affinées, explique Éloi Jacob. « Les rouges sont très qualitatifs, avec une couleur intense très noire, une belle trame tanique mais très soyeuse et une aromatique en fruits rouges, fruits noirs. Chez nous, le millésime 2022 était vraiment exceptionnel. On sera cette année sur quelque chose d’équivalent voire supérieur ! 2025 sera très concentré, on ne va presque pas extraire car la couleur et les tanins ressortent naturellement. On ne va pas trop chauffer, ni trop macérer par rapport à d’autres années. Notre challenge sera de faire des assemblages de vins de garde accessibles jeunes, 2 à 3 ans après leur mise en bouteille. »

Éloi Jacob, Château Fourcas Hosten (Listrac-Médoc)

Éloi Jacob, Château Fourcas Hosten (Listrac-Médoc)

Crédit Photo : Baptiste Henry – Château Fourcas Hosten

« Les rouges sont très colorés, très riches, très jolis»

« Au niveau de la quantité, on est au plus bas. Cette année, la moyenne est de 30 hl/ha pour les blancs comme pour les rouges. La propriété a rarement produit aussi peu : en 2024, on était à 48 hl/ha en rouge et 55 hl/ha en blanc. Les meilleures années, on montait à 60 hl/ha », explique Jean-Luc Buffeteau, propriétaire du Château La Grande Métairie, dans l’Entre-DeuxMers, où sa fille Claire l’a rejoint en 2015, et qui produit 6 appellations (Entre-deux-Mers, Bordeaux rouge, rouge supérieur, blanc, rosé et clairet).
Mais son visage s’illumine quand il s’agit de parler de qualité : « Les rouges sont très colorés, très riches, très jolis. Les fins de fermentation risquent d’être compliquées, car le taux d’alcool est un peu élevé. Cette année, c’est vraiment un millésime qualitatif. Au début, vu les analyses, cette récolte m’a rappelé le meilleur de mes millésimes, 2003. Mais au fil de l’évolution, je commence plutôt à penser à 2005. » L’année a pourtant été difficile sur le plan climatique, rappelle Jean-Luc Buffeteau. « Le printemps a été plutôt humide. Heureusement, le beau temps est arrivé, et on a eu très peu de mildiou en étant très vigilants. Puis, deux mois sans pluie. Début septembre, elle est revenue, et avec elle l’espoir qu’elle regonflerait les baies, mais celles-ci ont continué à se flétrir malgré tout, comme si le stress hydrique persistait.»  Sur les conseils de l’œnologue, qui avait préconisé dès la fin août de bien surveiller les parcelles, Jean-Luc Buffeteau a rapidement lancé les vendanges. « Les blancs étaient mûrs, mais nous aurions pu attendre une semaine pour les rouges. Or, près de chez nous, dans la vallée de Saint-Émilion, certaines parcelles étaient déjà infectées par le botrytis. Nous avons donc démarré. En résumé, nous ferons un très bon vin cette année, certainement un vin de garde, mais malheureusement en petite quantité. »

Jean-Luc Buffeteau, Château La Grande Métairie (Bordeaux et Entre-deux-Mers)

Jean-Luc Buffeteau, Château La Grande Métairie (Bordeaux et Entre-deux-Mers)

Crédit Photo : Vignobles Buffeteau

Témoignages recueillis par Agnès Lanine, Cécile Poursac et Claire Thibault