Cépages résistants : des préconisations pour protéger les résistances

L’observatoire OSCAR a pour objectif d’organiser la surveillance de l’efficacité des variétés résistantes vis-à-vis du mildiou et de l’oïdium et de leur comportement vis-à-vis d’autres bioagresseurs (black-rot notamment). Il dispose pour cela d’un réseau de parcelles d’observation et d’un dispositif d’alerte concernant l’ensemble des parcelles de variétés résistantes du vignoble. La note a été rédigée par son comité de pilotage, qui réunit des représentants de l’INRAe, de l’IFV, des Interprofessions viticoles, des Chambres d’Agriculture et de la Fédération Française de la Pépinière Viticole.
En 2024, les variétés résistantes plantées dans le vignoble français couvrent un total de 2 768 hectares, indique-t-elle.
Les variétés les plus représentées sont le Floreal (841 ha) et le Souvignier gris (841 ha), qui représentent 60 % de la surface plantée en variétés résistantes, puis l’Artaban (243 ha), le Soreli (214 ha), le Vidoc (205 ha), le Muscaris (82 ha), le Cabernet cortis (70 ha), le Voltis (61 ha) et le Sauvignac (46 ha). Quinze autres variétés occupent les 165 ha restants.
Ces variétés résistantes de nouvelle génération, obtenues par l’INRAe et déployées depuis 2018, sont issues de croisement entre des espèces de vignes cultivées et de vignes sauvages naturellement résistantes aux maladies. Elles possèdent des gènes de résistance au mildiou Rpv pour « Resistance to Plasmopara viticola » et à l’oïdium Run/Ren pour « Resistance to Uncinula necator/Erysiphe necator ». Le gène Run1 est le seul à conférer une résistance totale à l’oïdium avec absence de symptôme. Les autres gènes confèrent une résistance partielle. Les scientifiques soulignent que le mildiou et l’oïdium de la vigne présentent un important potentiel d’évolution qui leur permet, par mutation, de s’adapter aux gènes de résistance et de réduire, voire d’anéantir leur efficacité. Ce risque de « contournement de résistance » doit être surveillé, car les résistances reposent sur un petit nombre de gènes (5 pour la résistance au mildiou et 3 pour la résistance à l’oïdium).
Les résultats 2024
Les résultats 2024 du réseau d’observation OSCAR sont issus de données collectées sur 46 parcelles dans 6 bassins viticoles (voir figure). Le comité rappelle que l’année a été caractérisée par une pression mildiou exceptionnelle dans de nombreux bassins viticoles, avec des épidémies précoces et des attaques sur grappes parfois importantes sur variétés sensibles traitées.
Au total, 95 % des parcelles de l’observatoire (avec données collectées sur les traitements phytosanitaires) ont reçu au moins un traitement fongicide. Le nombre médian de fongicides utilisés (y compris produits de biocontrôle) est de 5, avec un IFT médian de 2,3.
Concernant le mildiou sur feuilles, 85 % des parcelles présentent des fréquences d’attaque à la véraison inférieures à 5 %. Quatre parcelles (8 %) montrent des fréquences d’attaque supérieures à 10 %. Sur grappes, seules deux parcelles montrent des fréquences d’attaque supérieures à 10 %. Les intensités d’attaque sont très majoritairement très faibles, avec 56 % des parcelles ne présentant aucun symptôme. Concernant l’oïdium, toutes les parcelles présentent des niveaux d’attaque nuls ou < 1 % de fréquence de feuilles ou de grappes (données non présentées).
Pour le black-rot, quatorze parcelles montrent des fréquences de feuilles avec symptômes supérieures à 5 %. La fréquence de grappes attaquées est supérieure à 10 % sur 10 parcelles et supérieure à 50 % sur 5 parcelles. Les intensités d’attaque sur grappes restent faibles pour la majorité des parcelles mais sont très élevées (> 50 %) pour deux parcelles.
Un phénomène rare survenu en 2024
En 2024, plusieurs parcelles du réseau d’alerte (hors réseau d’observation), ont présenté des niveaux d’attaque de mildiou élevés, avec des intensités d’attaque sur grappes comprises entre 50 % et 90 %. Localisées dans le bassin viticole de la Vallée du Rhône, les situations étaient caractérisées par des contextes particulièrement favorables au développement du mildiou, notamment une pluviométrie exceptionnelle. Leur identification précoce par les Chambres d’Agriculture a permis un recensement précis sur 165 parcelles de l’arc méditerranéen, dont 97 étaient soumises à une pression significative. Ce recensement a montré que 95 % des parcelles, en situation de pression de mildiou significative, présentaient un bon contrôle du mildiou. La baisse d’efficacité observée sur 4 parcelles constitue donc un événement rare. Elle a concerné 3 parcelles plantées avec la variété Artaban (Drôme, Gard et Vaucluse) et 1 parcelle plantée avec UD-32.078 N (Cabernet volos) dans le Vaucluse.
Un fort potentiel de réduction de l’IFT
Pour le comité de pilotage OSCAR, les suivis réalisés en 2024 confirment le fort potentiel des variétés résistantes pour réduire l’usage des produits phytosanitaires avec une réduction moyenne de 80 % de l’IFT par rapport à la référence nationale 2019. Cette réduction s’accompagne, malgré une forte pression parasitaire, d’une bonne maîtrise de l’oïdium et du mildiou sur les parcelles du réseau d’observation. Néanmoins, des intensités d’attaque de black-rot significatives sur grappes ont pu être observées sur certaines parcelles et nécessitent une stratégie de protection adaptée, associant prophylaxie et traitements phytosanitaires.
À noter, plusieurs cas de contournement de gènes de résistance au mildiou ont été identifiés en Europe, avec le plus souvent des occurrences faibles.
« Les situations de contournement ne remettent pas en cause l’intérêt des variétés de vigne résistantes, qui restent un levier majeur pour une gestion du mildiou et de l’oïdium limitant fortement le recours aux produits phytosanitaires, souligne la note technique. Néanmoins, elles nous amènent à rappeler des règles essentielles pour la conduite des vignobles plantés avec des variétés dotées de gènes de résistance aux maladies cryptogamiques selon le principe suivant : déployer, protéger, surveiller. »
Deux traitements préventifs sont nécessaires
Pour minimiser les risques de contournement, il faut éviter que la parcelle soit soumise à une pression d’inoculum trop forte. Les rédacteurs de la note préconisent donc de conduire les parcelles en respectant les bonnes pratiques agronomiques, comme pour les cépages sensibles (relevage, palissage, gestion des sols…). De plus, la réalisation d’au moins 2 traitements préventifs est nécessaire, en général autour des stades de floraison, afin de maîtriser d’éventuelles souches virulentes qui auraient pu émerger. Ces traitements doivent être adaptés à la pression parasitaire du millésime, selon les préconisations des conseillers techniques. Des traitements supplémentaires doivent être réalisés si les conditions le nécessitent. La stratégie de protection doit également prendre en compte la gestion du black-rot. Plusieurs projets sont en cours afin de préciser ces stratégies de protection.
« Surveiller les résistances pour préserver leur efficacité est la raison d’être de l’observatoire OSCAR, rappelle le comité de pilotage. Nous encourageons tous les viticulteurs ayant planté des parcelles avec des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium à contribuer à ce dispositif de surveillance, en se rapprochant de leur conseiller. »
Quatorze variétés résistantes sont plantées depuis 2018 au domaine INRAE de la Grande Ferrade. Elles sont greffées sur Gravesac et sur SO4. Trois cépages, bien adaptés au contexte pédo-climatique bordelais (Merlot, Cabernet Sauvignon, Sauvignon blanc), sont inclus dans le dispositif expérimental pour comparaison. La densité de plantation est de 6 250 pieds/ha, avec trois répétitions de 15 ceps pour chaque combinaison cépage/porte-greffe.