La déconsommation de vin, un phénomène
de société aux multiples facteurs

(Photo : Racool_studio/Freepik)

La consommation de vin en France est en forte baisse, notamment chez les jeunes générations. Le CNIV et Vin & Société alertent sur les conséquences économiques et sociales de cette tendance.

« Le vin est-il toujours la boisson « totem » des Français ? » 96 % des Français le considèrent toujours comme indissociable de leur identité culturelle. Mais les chiffres montrent aussi un phénomène de déconsommation du vin amorcé depuis des décennies. En 60 ans, la consommation de vin des Français a chuté de 70 %, passant de plus de 120 l/an et par habitant en 1960 à moins de 40 l/an en 2020. Un recul qui concerne toutes les générations mais particulièrement marqué ces dernières années chez les jeunes : entre 2014 et 2021, le vin a perdu 9 % de parts de marché chez les 18-35 ans, qui se tournent de plus en plus vers la bière et les spiritueux. En 2021, la bière a représenté 39 % des achats de boissons alcoolisées chez les moins de 35 ans, contre 27 % pour les vins tranquilles et effervescents cumulés.
Invitée par la FGVB lors de son assemblée générale, Krystel Lespresle, déléguée générale de Vin & Société, a présenté une synthèse d’études expliquant les raisons de cette déconsommation de vin. Chaque génération a une représentation spécifique du vin et un comportement singulier de consommation : plus on s’achemine vers les jeunes générations, moins le vin est lié à la gastronomie, plus il est perçu comme une boisson à risque pour la santé, plus se perdent les notions d’appellations et de terroirs.

Cinq phénomènes sont par ailleurs à l’origine de la mutation de nos modes alimentaires, et donc de la fonction sociale du vin et de son lien avec le repas.

  • La transformation de la structure familiale, avec la croissance du nombre de familles monoparentales (2 millions en 2021 dont 84 % de femmes) et de personnes vivant seules, alors que le vin est le produit du partage.
  • L’accélération des rythmes sociaux : déritualisation et simplification des repas, snacking, livraison à domicile…
  • La féminisation de la société, et donc des conduites alimentaires, avec une sensibilité croissante à la nature et à la santé (moins de viande et d’alcool).
  • La sensibilité croissante à la santé et au bien-être, qui incite le consommateur à modifier ses choix de produits face aux risques sanitaires perçus.
  • Les nouveaux rapports à la nature et la naturalité avec une préférence pour les produits locaux, respectueux de l’environnement, issus du commerce équitable…
    Autre conséquence : la transmission de la culture du vin, auparavant largement portée par le père, ne se fait quasiment plus au sein des familles.
    Le marché « vin » s’avère ainsi très générationnel. 6 % des acheteurs représentent 40 % des achats en volume et 29 % en valeur. Ces gros acheteurs sont plus âgés que la moyenne de la population : pour 86 % d’entre eux, ils sont âgés de 50 ans ou plus, dont près de la moitié ont 65 ans ou plus et 28 % ont 75 ans ou plus.

Un impact économique considérable

En décembre dernier, deux associations de la filière, le CNIV (Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d’origine et à indication géographique) et Vin & Société ont tiré la sonnette d’alarme auprès des pouvoirs publics sur l’accélération de cette déconsommation, estimant qu’elle menace la viticulture. « Les professionnels du vin sont nombreux à sentir les effets concrets du rétrécissement de notre marché, poussé par la déconsommation, et auquel viennent s’ajouter la rude concurrence internationale, les derniers aléas climatiques, etc. Des producteurs vont abandonner le métier, la transmission de très nombreuses exploitations viticoles va devenir impossible, craignent-elles […] La question est : est-ce que nous souhaitons dans les années à venir voir le vin sur nos tables, ou dans nos musées ? »
S’il ne s’agit pas pour la filière de renoncer à sa volonté de prôner une consommation modérée, elle souhaite que les pouvoirs publics prennent la pleine mesure de ce constat « pour arrêter la stigmatisation du vin, à l’heure où la consommation modérée est devenue un véritable fait de société, travailler sur l’image même du vin et rapprocher la filière des consommateurs, et promouvoir les fonctions sociales du vin, produit plaisir créateur de sociabilité, de partage, produit symbole de la France et de sa gastronomie ».

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